• Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris

Chronique de jurisprudence française de la Revue de l'arbitrage par Jérôme Barbet (Revue de l'arbitrage 2018, n°3) le 30/11/2018

Chronique de jurisprudence française de la Revue de l'arbitrage par Jérôme Barbet (Revue de l'arbitrage 2018, n°3)

La Revue de l'arbitrage 2018 (n°3) publie les observations de Jérôme Barbet au sujet de plusieurs arrêts rendus  par la Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris en matière d'arbitrage (Rev. arb. 2018 (n°3), pages 607 à 652).

1. Aux termes d'un premier arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a jugé que l’article d’un CCAP selon lequel, « si un différend survient entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, ceux-ci conviennent de se consulter pour examiner l’opportunité de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser l’arbitrage », institue une consultation préalable sans caractère obligatoire, dont l’omission n’affecte pas la recevabilité de l’action (Cass., Civ. 1ère, 20 avril 2017, n°15-25.928).

Cet arrêt confirme la jurisprudence qui refuse de transposer les solutions adoptées en matière de clause de conciliation préalable obligatoire aux clauses de consultation préalable en vue d’un arbitrage.

2. Aux termes d'un deuxième arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a jugé que : "Après avoir exactement énoncé qu’en application du principe « compétence- compétence », il revient à l’arbitre de se prononcer, par priorité, sur les conséquences de la mise en œuvre, par les parties, du préliminaire de conciliation obligatoire, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’inobservation des délais très courts prévus par le contrat pour la recherche de conciliation ne pouvait avoir délié la société Inthemix de l’obligation de se soumettre à la clause compromissoire." (Cass., Civ. 1ère, Sté Inthemix c/ Sté Dia France, Sté Ed Franchise, 20 avril 2017, n°16-18.093). 

Il résulte de cet arrêt qu’en cas de contestation sur le respect d’une clause de conciliation préalable, il appartient à l’arbitre de se prononcer, par priorité, sur les conséquences de la mise en œuvre de cette clause, et que l’inobservation des délais prévus par une clause de conciliation préalable n’est pas de nature à rendre la clause compromissoire inopérante.

3. Aux termes d'un arrêt du 16 mai 2017, la Cour d'appel de Paris a répondu aux questions suivantes : à défaut pour le demandeur au recours en annulation de préciser le cas d’ouverture qu’il invoque, celui-ci est-il recevable ? Le juge du contrôle de la sentence a-t-il le pouvoir et/ou le devoir d’expliciter le fondement juridique de ce type de recours ? Par ailleurs, le préalable de conciliation préalable entre-t-il dans l’un des cas d’ouverture du recours en annulation ?

La Cour a jugé que "Les recourants ne précisant pas quelle disposition de l’article 1492 du Code de procédure civile ils invoquent au soutien de leur moyen d’annulation de la sentence, celui-ci est irrecevable. Au demeurant, le préalable de conciliation est une question de recevabilité devant le tribunal arbitral qui n’entre dans aucune des hypothèses visées par l’article 1492 du Code de procédure civile." (CA Paris, Pôle-Ch.1, M. Alain Guérard & a. c/ SAS Matisco Développement).

4. Aux termes d'un arrêt du 5 décembrei 2017, la Cour d'appel de Paris a jugé que "le juge de l’annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage et d’en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres. Il est de principe en droit international de l’arbitrage que l’interprétation des contrats consiste à rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. Cette recherche doit notamment s’inspirer du principe de l’effet utile qui présume que les parties ont entendu donner une portée effective aux stipulations qu’elles ont introduites dans leurs conventions. Doit être rejeté le moyen tiré de l’article 1520-1° du Code de procédure civile dès lors que la volonté des contractants de recourir à l’arbitrage sous l’égide de la Chambre de commerce internationale résulte clairement de la clause litigieuse et que le contrat ne prévoit d’ailleurs pas d’autre mode contentieux de règlement des différends sauf l’intervention du juge des référés pour ordonner l’expulsion des lieux loués. La clause compromissoire ne saurait donc s’entendre en un sens qui priverait d’efficacité l’intervention des arbitres en scindant un même litige entre la juridiction arbitrale et des juridictions étatiques de fond." (CA Paris, République Togolaise c/ SAS Accor Afrique & a.).

La Cour d’appel de paris a posé dans cet arrêt, une nouvelle règle matérielle applicable à toutes les conventions d’arbitrage internationales, selon laquelle l’interprétation de ces conventions doit non seulement consister à rechercher la commune intention des parties mais également s’inspirer du principe de l’effet utile « qui présume que les parties ont entendu donner une portée effective aux stipulations qu’elles ont introduites dans leurs conventions ». Elle en a déduit — dans une affaire où il était prétendu que la clause compromissoire donnait compétence aux arbitres pour trancher, non pas les litiges relatifs à « l’exécution » du contrat, mais seulement les litiges relatifs à son « interprétation » — une autre règle importante selon laquelle « la clause compromissoire ne saurait s’entendre en un sens qui priverait d’efficacité l’intervention des arbitres en scindant un même litige entre la juridiction arbitrale et des juridictions étatiques de fond ». En d’autres termes, la Cour d’appel de paris a posé le principe selon lequel, dès lors que les parties sont convenues de recourir à l’arbitrage, il doit être présumé — lorsque la portée de la convention d’arbitrage est ambiguë — qu’elles n’ont pas entendu disperser les litiges entre plusieurs juridictions (tribunal étatique et tribunal arbitral). Dans un tel cas, l’étendue de la compétence de l’arbitre doit être interprétée de la manière la plus large, conformément au principe de l’effet utile, afin de ne pas scinder le même litige entre les tribunaux étatiques et arbitraux.

5. Aux termes d'un arrêt du 19 septembre 2017, la Cour d'appel de Paris a jugé que " Aux termes de l’article 1448 du Code de procédure civile : « Lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». En dépit de l’invocation d’une urgence à statuer et d’un risque pour la survie économique des demandeurs, la convention d’arbitrage qui prévoit une dérogation permettant que toutes demandes de mesures conservatoires et/ou urgentes de quelque nature que ce soit puissent être soumises à la compétence et à la décision des tribunaux de droit commun n’est pas manifestement nulle ou inapplicable à une demande des franchisés visant à voir annuler les droits de préemption prévus par les règlements intérieurs du franchiseur. Une telle clause ne saurait s’entendre comme autorisant, sur le motif général de l’urgence, la saisine de la juridiction de droit commun d’un litige portant sur la validité, l’interprétation et l’exécution des conventions, peu important la précision selon laquelle ces mesures conservatoires et/ou urgentes peuvent être de quelque nature que ce soit." (CA Paris, Pôle 1-ch. 1, Sté Keralan & a. c/ Sté Système U Centrale Régionale Ouest & a.).

Quand bien même les parties sont convenues de soumettre leurs litiges à l’arbitrage, elles peuvent saisir le juge étatique afin d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires, sous la seule réserve que le tribunal arbitral ne soit pas encore constitué et qu’il soit justifié d’une urgence (art. 1449 du CpC). Reste à savoir si les parties peuvent déroger aux dispositions de l’article 1449 du Code de procédure civile et, si tel est le cas, comment interpréter une éventuelle extension conventionnelle de la compétence dérogatoire du juge étatique pour ordonner des mesures, lorsque la clause est ambiguë : l’arrêt ci-dessus rapporté de la Cour d'appel de Paris milite dans le sens d’une interprétation restrictive, afin de ne pas priver la clause compromissoire de sa substance.

6. Dans un arrêt du 9 juin 2017, la Cour d'appel de Paris a jugé que " En application des articles 1465 et 1448 du Code de procédure civile, le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel et le tribunal étatique ne peut écarter l’application de la clause d’arbitrage que dans le cas où la clause est manifestement nulle ou inapplicable ; par ailleurs et selon l’article 1447 du même code, la convention d’arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte. Il découle de ces principes que la clause compromissoire n’est pas affectée par l’inexistence du contrat, sa caducité, sa résolution ou sa résiliation, qu’elle s’applique à tout litige qui présente un lien avec un contrat contenant une clause d’arbitrage, peu importe la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action engagée, qu’elle s’applique au tiers qui a consenti à son application ou est directement intéressé à l’exécution des contrats participant à l’ensemble contractuel et qu’elle ne peut être écartée en cas de pluralité de défendeurs." (CA Paris, 9 juin 2017, Fédération internationale de football FIFA c/ Leuviah-Films & a.).

Conformément à l’effet négatif du principe « compétence-compétence », lorsque l’existence d’une convention d’arbitrage est invoquée, le juge étatique est tenu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant l’arbitre, sauf à ce qu’elle soit « manifestement » nulle ou inapplicable (art. 1448 du CpC). Mais il est rare, aujourd’hui, que le juge français considère la convention d’arbitrage comme étant, de manière évidente, inapplicable. La raison en est que le droit français de l’arbitrage fournit aujourd’hui toute une palette de solutions afin de permettre à la convention d’arbitrage de développer ses effets : principe de l’autonomie de la clause par rapport au contrat principal, interprétation large du champ d’application de la clause — conformément au principe de l’effet utile, qui commande notamment, de ne pas scinder le même litige entre les tribunaux étatiques et arbitraux (v. supra, paris, pôle 1, Ch. 1, 5 décembre 2017) —, extension de la clause aux parties non signataires du contrat, dès lors qu’elles se sont immiscées dans son exécution etc... L’arrêt ci-dessus rapporté illustre à quel point il est devenu difficile aujourd’hui, lorsqu’une convention d’arbitrage est invoquée, non pas tant d’échapper à la compétence du tribunal arbitral que d’échapper au pouvoir qui lui appartient de se prononcer, par priorité, sur sa propre compétence; et ce en particulier, dans les litiges complexes où l’enchevêtrement des accords, des parties, de leurs comportements ne fait que soulever des questions quant à la compétence, sans pour autant que celle des tribunaux étatiques « saute aux yeux ».

7. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour d'appel de Paris a jugé que "En application des dispositions de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable le président du tribunal de grande instance peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Se heurte à une contestation sérieuse la rendant irrecevable la demande provisionnelle qui méconnaît le caractère manifestement obligatoire de la saisine préalable de l’instance arbitrale d’une clause d’arbitrage. Du reste, la demanderesse ne prétendant pas que sa créance est en péril ne soutient pas utilement que le référé-provision doit être admis du seul fait que l’instance arbitrale n’est pas saisie." (CA Paris, 15 juin 2017, Pôle 1-Ch. 2, SA Compagnie Ace European Group c/ SA Genarali IARD).

Il est de principe, en droit français de l’arbitrage, que les parties peuvent — sauf stipulation contraire de la convention d’arbitrage — saisir le juge étatique afin d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires, sous la seule réserve que le tribunal arbitral ne soit pas encore constitué et qu’il soit justifié d’une urgence (art. 1449 CpC). Parmi les mesures que les parties peuvent, nonobstant l’existence d’une convention d’arbitrage, légalement demander au juge des référés d’ordonner, figure notamment l’allocation d’une provision ; le succès de la demande sera alors subordonné, non seulement à la preuve de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable (art. 809 al. 2 et 873 al. 2 du CpC) mais également à celle d’une urgence (art. 1449 CpC). En outre, le juge des référés ne pourra statuer que si le tribunal arbitral n’est pas constitué. Mais il existe une autre condition — rarement contestée devant les juges — pour que l’article 1449 du Code de procédure civile ait vocation à s’appliquer : il faut que les parties soient liées par une véritable convention d’arbitrage, et non, comme l'affaire ci-dessus rapportée en fournit l’illustration, par un simple préalable de conciliation.