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Impact de l'urgence sanitaire causée par l'épidémie de Covid-19 sur les pénalités de retard, les clauses résolutoires et les délais de prescription et de forclusion, par Jérôme Barbet le 26/03/2020

Impact de l’urgence sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19 sur les pénalités de retard, les clauses résolutoires et les délais de prescription et de forclusion : Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire 

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, publiée au Journal Officiel du 26 mars 2020, prévoit une série de mesures destinées à traiter des conséquences de la crise sanitaire sur un certain nombre de délais, dont notamment une prorogation de plein droit des délais de prescription et de forclusion des actions en justice (I) et une suspension des effets de certaines clauses contractuelles, dont les clauses de pénalités de retard et les clauses résolutoires (II). 

I.- Délais de prescription et de forclusion 

1.- Le fonctionnement des Juridictions civiles et commerciales étant fortement impacté par l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit tout d’abord une prorogation de plein droit des délais de prescription et de forclusion des actions en justice (art. 2 de l’ordonnance).

2.- Cette prorogation de plein droit est cependant conditionnée à la circonstance que le délai en question soit arrivé à terme pendant une période spéciale, comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d'un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 22 mars 2020.

A l’heure actuelle, il est prévu que l'état d'urgence se termine le 24 mai 2020 (la loi votée le 22 mars 2020 est entrée en vigueur pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national à compter de sa publication le 24 mars 2020). 

L’ordonnance vise donc les délais de prescription et de forclusion qui arriveront à terme entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

3.- Les délais de prescription et de forclusion, qui arriveront à terme après l’expiration d’un délai d'un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit après le 24 juin 2020 en l’état actuel), ne bénéficieront pas de la prorogation prévue par l’ordonnance. 

De même, les délais échus avant le 12 mars 2020 ne seront pas reportés.

4.- L’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période spéciale comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020. L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est seulement d’interdire que l'action engagée dans le nouveau délai imparti puisse être regardée comme tardive.

Ainsi, alors même que l'action en justice serait engagée après l'expiration du délai de prescription ou de forclusion prévu par la loi, elle sera considérée, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, comme ayanté été régulièrement effectuée avant l’expiration d’un nouveau délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, lequel recommence à courir à compter de la fin de la période spéciale définie à l’article 1 de l'ordonnance (c’est-à-dire à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois). Ce délai supplémentaire après la fin de la période spéciale ne peut toutefois excéder deux mois : soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’action devra être engagée dans le délai imparti par la loi ou le règlement, soit il était supérieur à deux mois et l'action devra être engagée dans un délai de deux mois.

A titre d’exemple, si le délai pour agir au titre de la garantie décennale expirait le 26 mars 2020, le demandeur pourra encore agir pendant les deux mois qui suivent la fin du délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence, soit jusqu'au 24 août 2020 en l'état actuel. Le  demandeur pourra agir avant le 24 août 2020 sans que son action puisse être déclarée irrecevable comme forclose.

5.- L’ordonnance du 25 mars 2020 laisse intact l’article 2234 du Code civil, qui prévoit, en droit commun, une suspension des délais de prescription en cas d'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement « résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ». Mais dans la mesure où l’article 2224 du Code civil impose au plaideur qui l’invoque de démontrer le cas de force majeure l’ayant empêché d’agir, il ne devrait pas être beaucoup invoqué : l’ordonnance du 25 mars 2020, qui crée une cause de prorogation des délais de plein droit, suffira.

II.- Pénalités de retard et clauses résolutoires

6.- Le domaine de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux délais échus pendant la période d’urgence sanitaire est bien plus large que celui des seuls délais de prescription et de forclusion. Sont visés tous les délais prescrits « par la loi ou le règlement » à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque.  

7.- Mais les délais prévus par les conventions ne sont pas visés par l’ordonnance. Dès lors, les délais d'exécution des obligations prévus par les contrats ne sont pas suspendus par l'ordonnance : par exemple, le paiement devra toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat. Néanmoins, les dispositions de droit commun restent applicables et pourront être invoquées si leurs conditions sont réunies, par exemple la force majeure prévue par l'article 1218 du code civil.

8.- Cependant, l’ordonnance prévoit, à titre exceptionnel, une suspension de plein droit des effets de certaines clauses contractuelles : clauses pénales, clauses résolutoires, clauses d'astreinte, toutes clauses de déchéance ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé. Les délais prévus par ces clauses seront réputés n’avoir pas pris cours ni produit effet, dès lors qu’ils étaient normalement censés, aux termes du contrat, expirer pendant la période spéciale (c’est-à-dire pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 en l’état actuel) (art. 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020). 

Les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 sont suspendues : leur effet est paralysé ; elles prendront effet un mois après la fin de cette période (soit le 24 juillet 2020), si le débiteur n'a pas exécuté son obligation d'ici là.

A titre d’exemple, la clause résolutoire verra ses effets suspendus si le délai imparti au débiteur pour remédier à son manquement, prévu par la clause, était censé expirer pendant la période spéciale. Dans un tel cas, la clause résolutoire ne pourra pas prendre effet avant l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de la période spéciale (si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là), soit pas avant le 24 juillet 2020 en l’état actuel. 

En revanche, les clauses résolutoires qui ont déjà produit effet avant le 12 mars 2020 ne sont pas impactées par l’ordonnance. 

Autre exemple : un contrat, comportant une clause pénale d’un montant de 10.000 euros, devait être exécuté le 5 mars. Le 6 mars, en l’absence d’exécution, le créancier a adressé une mise en demeure à son débiteur par laquelle il lui laissait 10 jours pour exécuter le contrat, la clause devant produire ses effets à l’issue de ce délai en l’absence d’exécution. Ce délai expirant lors de la période spéciale prévue à l’article 1er de l’ordonnance, la clause pénale ne produit pas ses effets si le débiteur ne s’exécute pas. Elle les produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période spéciale, c'est-à-dire s'il n'a toujours pas exécuté son obligation d'ici le 24 juillet 2020 en l'état actuel.

9.- Quant aux pénalités de retard qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020, elles voient également leur cours suspendu pendant la période spéciale : leurs effets reprendront dès le lendemain, soit le 25 juin 2020 en l’état actuel.

10.- Enfin, l’ordonnance prévoit une prolongation de deux mois après la fin de la période spéciale des délais prévus pour résilier ou dénoncer une convention : lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période spéciale, de deux mois après la fin de cette période (art. 5 de l’ordonnance).

Jérôme Barbet, Avocat au barreau de Paris, Solicitor (England & Wales), Avocat associé, SCP Enjea Avocats