• Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris
  • Enjea, avocats paris

Quand le Conseil d'Etat vient mettre un terme au débat sur la consistance de l'assiette foncière en cas de division primaire. Par Nicolas Barsotti et Nathalie Baillon. le 13/11/2020

CE, 12 novembre 2020, n°421590, publié au recueil Lebon

La division primaire, échappatoire favorite des procédures de lotissement, alimente depuis plusieurs années les discussions lorsqu’il s’agit de savoir sur quelle assiette la demande de permis de construire doit être déposée et en conséquence de déterminer l’application des règles d’urbanismes au projet objet de ladite demande.

L'article R. 442-1 du code de l’urbanisme qui la régit est muet sur la question : « Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager (…)

 a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ; »

Rappelons que la division primaire qui n’est admise que pour la création d’un groupe de bâtiment ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle, doit être « prévue » avant le dépôt de la demande de permis de construire pour éviter que la division n’entre dans le champ d’application du lotissement. « Prévue » signifie qu’elle doit être envisagée dans les « avant contrats » et être anticipée par un document du géomètre qui établira un projet de division.

Mais la division elle-même ne s’opérera effectivement qu’après la délivrance du permis de construire et la passation de l’acte de cession ou d’attribution du droit à construire. C’est au moment de leur opposabilité qu’un numéro de cadastre sera attribué au terrain.

Or aucune disposition du code de l’urbanisme n’oblige à faire apparaître la division primaire dans le dossier de demande de permis de construire par la production par exemple d’un plan de division. Et la division n’étant pas intervenue, la demande de permis de construire devrait donc en toute logique être déposée sur l’unité foncière originelle.

L’Administration Centrale a toujours considéré que l’instruction du projet devait se faire par rapport à l’ensemble de l’unité foncière avant division[1] tout comme la Cour Administrative d’Appel de Versailles[2].

Une partie de la doctrine considérait par contre que, si le pétionnaire souhaitait que le projet soit instruit sur une partie du terrain, il doit solliciter une déclaration préalable pour « isoler » le terrain d’assiette du permis de construire (Compte rendu – Séminaire GRIDAUH, p 4, séance du 25 juin 2012).

En l’état de la rédaction antérieure à la réforme de 2012[3], une autre partie de la jurisprudence, sans aller jusqu’à exiger une déclaration préalable en vue de diviser, considérait quant à elle que le dépôt du permis de construire sur une partie de l’assiette foncière, clairement identifiée par le pétitionnaire pouvait conduire l’administration à instruire le permis de construire sur la « partie détachée » (CAA Lyon 12 novembre 2013 requête n° 13LY00584 , TA Montreuil 3 juillet 2014, Clavery et autres, requête n° 1309029).

Mais avec la rédaction applicable issue du décret n°2012-274 du 28 févier 2012 (rédaction reportée en début de note), l’article R. 442-1 du code de l’urbanisme ne fait plus référence à « la partie » du terrain d’assiette avant division. Une partie de la doctrine en a déduit que cette rédaction confortait l’idée que la demande de permis de construire devait doit être déposée sur l’unité foncière non encore divisée[4]. Une autre fait observer que le pétionnaire doit en toute hypothèse déposer sa demande sur l’unité foncière[5].

Et, force est de constater que la réforme intervenue en 2012 n’a pas tiré de conséquence de la suppression de la référence à la partie de l’unité foncière sur les renseignements à fournir dans la demande de permis de construire ou encore aux règles d’urbanisme[6]. Et la jurisprudence ne s’est jamais prononcée sur ce point.

Au total, ces incertitudes jurisprudentielles et vides administratifs ont conduit également à des interrogations légitimes sur les conséquences de l’intervention de la division postérieure à la délivrance du permis de construire (la nouvelle parcelle cadastrale est alors créée) notamment sur l’assiette foncière à renseigner en cas de permis de construire modificatif, mais également sur la conformité à obtenir ( bien que la limite divisoire n’entre pas dans le « contrôle » de l’achèvement), sur un éventuel projet à édifier sur l’unité foncière résiduelle et enfin, sur les travaux à réaliser sur bâtiments une fois achevés.

Par une décision rendue le 12 novembre dernier, le Conseil d’Etat (CE, 12 novembre 2020, n°421590) vient régler une partie de ces questions. Il est désormais acquis que « le respect des règles d'urbanisme doit être apprécié́ au regard de l'ensemble de l'unité́ foncière existant à la date à laquelle l'administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir » et qu’en cas de permis de construire modificatif déposé postérieurement à la division « il y a lieu d'apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d'assiette, de la division intervenue. ».

Autrement dit l’assiette foncière restera celle sur laquelle la demande de permis initial a été instruit. Elle est transparente à l’égard des règles d’urbanisme applicables et devra être ignorée par les services instructeurs. La décision ne dit pas si le permis de construire modificatif devra faire apparaître le nouveau numéro de parcelle, la nouvelle assiette et à juste titre puisque pour la Haute Juridiction, la division doit être ignorée par le service instructeur. Des questions restent malgré tout encore en suspens s’agissant notamment des droits à construire sur le reliquat de terrain non concerné par le projet, est-il possible de déposer un permis de construire sur la partie de terrain restante ou cette partie est-elle attachée au premier permis de construire ? Ce terrain peut-il être considéré comme étant libre alors qu’il continue de servir le premier projet jusqu’à son achèvement ?

Nathalie Baillon, Avocat Associé SCP Enjea Avocats - Nicolas Barsotti, Avocat SCP Enjea Avocats


[1] Réponse ministérielle JO AN 6 juillet 2010, p. 7645

[2] CAA Versailles 29 mars 2007, Pax, requête n° 06VE01147

[3] Art R. 442-2 d) Les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu un permis d'aménager ou un permis de construire portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle

[4] EFE – « Quelles divisions foncières en 2017 ? », Malicia Donniou, Groupe Chevreux

[5] Patrick Durand, BJDU 1/2013, p. 10

[6] Et alors que l’article R 151-21 dernier alinéa qui prévoit une application des règles du PLU à l’échelle de l’unité foncière d’un lotissement ou d’un permis de construire valant division, sauf dispositions contraire du PLU