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Nouveau cas d'extension de la clause compromissoire : au tiers (co-traitant d'un marché de travaux) qui invoque le manquement d'une partie (l'ingénieur) à ses obligations contractuelles au titre du contrat (d'ingénierie) conclu par ce dernier avec le maître d'ouvrage le 23/06/2021

Nouveau cas d'extension de la clause compromissoire : au tiers (co-traitant d'un marché de travaux) qui invoque le manquement d'une partie (l'ingénieur) à ses obligations contractuelles au titre du contrat (d'ingénierie) conclu par ce dernier avec le maître d'ouvrage

La Revue de l'arbitrage publie une note de Jérôme Barbet au sujet de l'arrrêt Clemessy rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 juin 2020 (Rev. arb. 2021, p. 164).

La clause prévoyant qu’une partie « peut » soumettre un différend à l’arbitrage après avoir épuisé un préalable de conciliation constitue-t-elle une clause compromissoire ou une clause optionnelle ne prévoyant qu’une faculté pour les parties, et non une obligation, de recourir à l’arbitrage ? Au demeurant, doit-on considérer qu’une clause optionnelle bilatérale de résolution des litiges n’oblige pas les parties à se soumettre à l’arbitrage en cas de différend ? Le principe compétence-compétence est-il applicable en présence d’une clause optionnelle ? La clause d’arbitrage est-elle manifestement inapplicable lorsque le juge étatique est saisi de demandes formées par un tiers à l’encontre d’une partie à un contrat contenant une clause d’arbitrage, ayant pour fondement des manquements du cocontractant à ses obligations contractuelles ? Telles étaient les questions dont la Cour de cassation était saisie dans cette affaire.

In fine, la Cour de cassation a refusé toute confusion entre clause optionnelle et clause compromissoire précédée d’un préalable de conciliation et appliqué le principe compétence-compétence à la demande d’un tiers invoquant un manquement contractuel.

Avant cette affaire, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’une clause du même type, stipulant que les litiges devaient être réglés à l'amiable, et que, si cela était impossible, « chacun des contractants pourra appeler un tribunal arbitral qui résoudra le litige (...) de manière définitive et obligatoire pour les deux contractants » devait être considérée comme signifiant, « non que chaque partie dispose d'une option entre les juridictions arbitrale et étatique, mais que chacune d'elles a le pouvoir de mettre en œuvre l'arbitrage convenu, de sorte que la faculté d'y recourir exercée par l'une s'impose à l'autre ».[1]

Cependant, l’affaire Clemessy posait une autre question, beaucoup plus sujette à controverse : la clause d’arbitrage est-elle manifestement inapplicable lorsque le juge étatique est saisi de demandes formées par un tiers à l’encontre d’une partie à un contrat contenant une clause d’arbitrage, ayant pour fondement des manquements du cocontractant à ses obligations contractuelles ?
 
En l’espèce, certains des co-traitants du marché de travaux avaient assigné le titulaire du contrat d’ingénierie afin que ce dernier soit condamné à les relever et garantir de toutes sommes qui pourraient être mises à leur charge par le maître d’ouvrage. Ils fondaient leurs demandes sur des manquements allégués du titulaire du contrat d’ingénierie à ses obligations contractuelles. Mais si le marché de travaux conclu par les co-traitants avec le maître d’ouvrage ne comportait pas de clause compromissoire, le contrat d’ingénierie conclu par le maître d’ouvrage avec l’ingénieur en comportait une. Les tiers au contrat d’ingénierie qu’étaient les co-traitants du marché de travaux pouvaient-ils néanmoins être admis à saisir le juge étatique de leurs demandes ? 
 
Ni la Cour d’appel, ni la Cour de cassation n’ont tranché le débat : elles se sont contentées d’estimer que, dans un tel cas, la clause d’arbitrage n’était pas « manifestement » inapplicable, laissant ainsi le soin à l’arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence. La Cour de cassation n’a ainsi pas répondu au détail de l’argumentation soulevée par l’auteur du pourvoi. Le fait mérite d’être souligné, tant il est vrai que bien souvent, le juge judiciaire a plutôt tendance, au contraire, à faire du « zèle » et à affirmer que la convention d’arbitrage est applicable, au lieu de limiter son office à un constat de l’absence d’inapplication « manifeste » de la convention d’arbitrage[1] (ce qui est critiqué en doctrine[2]). Mais en l’espèce, ni la Cour d’appel ni la Cour de cassation n’ont expliqué pourquoi la clause compromissoire pouvait éventuellement trouver à s’appliquer. Quand bien même la clause compromissoire était invoquée à l’encontre d’un tiers au contrat, elle a été jugée non-manifestement inapplicableEtait-ce justifié ?... la suite est à lire dans la Revue de l'arbitrage 2021, p. 164.


[1] Sur la tendance du juge judiciaire à faire du « zèle » et affirmer que la convention d’arbitrage est applicable, au lieu de se contenter de constater que la clause n’est pas « manifestement inapplicable » et de renvoyer à l’arbitre le soin de dire si elle doit s’appliquer ou non, v. par exemple Cass., Civ. 1ère, 19 décembre 2018, n°17-28.951, Dalloz Actualité, 28 février 2019, obs. V. Chantebout ; Dalloz Actualité, 6 mars 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Dr. mar. Fr., 2019, n°810, p. 114, obs. Ph. Delebecque ; Rev. gen. dr. ass., 2019, n°2, p. 39, note R. Schulz ; Gaz. Pal., 2019, n°11, p. 34, obs. D. Bensaude. qui tout en renvoyant les parties à mieux se pourvoir devant l’arbitre, a jugé que la clause compromissoire « accessoire du droit d’action » est « opposable aux victimes exerçant l’action directe contre les assureurs ». V. également, interprétant la clause compromissoire : Paris, Pôle 5, Ch. 9, 25 février 2016, Rev. arb., 2017.622, obs. J. Barbet. V. aussi, Cass., civ. 1ère, 15 oct. 1996, Rev. arb., 1998.409, note C. Malinvaud et L. Kiffer.

[2] V. J. Jourdan-Marques, « Action extracontractuelle et arbitrage », Rev. arb., 2019.685.

 
 
 


[1] Cass., Civ. 1ère, 15 octobre 1996, Rev. arb., 1998.409, note C. Malinvaud et L. Kiffer.