Règles d’implantation applicables à un projet lorsque celui-ci jouxte une voie située dans une zone différente du PLU. CE 5 juill. 2023, n°463604. Mentionné aux tables du recueil Lebon.
Le projet : Terrain d'assiette du projet composé de quatre parcelles se situant, pour les trois premières, en zone UA et, pour la dernière, en zone UD, le terrain d'assiette jouxtant une voie cadastrée relevant de la zone UD.
La règle d'implantation par rapport aux voies publiques fixée par les dispositions du règlement du PLU applicables dans une zone (UD en l’espèce) ne s'applique pas à une construction qui s'implante intégralement sur les parcelles du terrain d’assiette classées dans une zone différente (UA), alors même que ce terrain d'assiette est bordé par une voie située en zone UD.
Ici, l’article 6 du règlement du PLU fixe les règles de retrait de l'implantation des constructions par rapport aux voies ouvertes à la circulation, dont les « voies privées ouvertes à la circulation générale (véhicules ou cycles ou piétons) ». L’article 7 fixe les règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.
Une venelle qui jouxte le projet litigieux et constitue une voie privée ouverte à la circulation des cycles et piétons doit être regardée comme étant ouverte à la circulation générale au sens de l'article UA 6.1, de sorte que l'implantation de la partie du projet longeant cette venelle est régie par les règles de retrait fixées par les dispositions de l'article UA 6.
Par suite, ne peut être utilement invoquée la méconnaissance des règles d'implantation des constructions fixées par les dispositions de l'article UA 7, qui s'appliquent aux constructions implantées sur un terrain jouxtant une parcelle générant une limite séparative.
La circonstance qu’une commune ait déjà atteint son seuil de logements sociaux ne l’empêche pas d’être en droit d’exercer son droit de préemption pour la construction d’un projet de construction de nouveaux logements sociaux. CE 30 juin 2023, n°468543. Mentionné aux tables du recueil Lebon
Un projet de réalisation d'une quarantaine de logements, dont la moitié à caractère social a par nature pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat et répond à ce titre aux objets définis à l'article L. 300 1 du code de l’urbanisme.
Il présente le caractère d'une action ou d'une opération d'aménagement (art. L. 210-1) :
a) lorsqu'il concourt à la mise en œuvre d'un programme local de l'habitat (PLH) ou d'un programme d'orientations et d'actions d'un PLUi tenant lieu de programme local de l'habitat,
b) ou bien, comme en l'espèce, par lui-même, eu égard à son ampleur et à sa consistance.
La circonstance que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondrait pas à un intérêt général suffisant du seul fait que la commune a atteint ses objectifs en termes de logements sociaux (ces objectifs ne constituent pas des plafonds à atteindre) est inopérante.
Droit de préemption urbain : l’appréciation de l’ampleur du projet doit se faire au regard des spécificités de la commune. CE 30 juin 2023, n°464324. Mentionné aux tables du recueil Lebon.
Programme de construction de douze logements, dont sept logements sociaux, soumis à l'obligation de création de places de stationnement (en vertu des dispositions du PLU).
Le Maire a, pour la création des places de stationnement, décidé de préempter un volume en sous-sol, qui se situe à 230 mètres du terrain d'assiette du projet d'immeuble d'habitation collective.
Pour le Conseil d’État, même s’il ne porte que sur un lot de copropriété séparé du terrain d'assiette de la construction, l’exercice du droit de préemption participe à la réalisation d'un programme de construction de sept logements sociaux sur un programme de douze logements, et a, par nature, pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat. Il répond à ce titre aux objets définis à l'article L. 300 1 du code de l’urbanisme, alors même qu'il ne concourt pas à la mise en œuvre d'un programme local de l'habitat (PLH) ou d'un programme d'orientations et d'actions d'un PLUi tenant lieu de PLH.
Pour qualifier ce projet d’action ou opération d’aménagement, il doit être apprécié au regard de son ampleur et de sa consistance dans le contexte spécifique de la commune (pression spéculative, faible disponibilité des terrains, nombre de logements sociaux insuffisant au regard de sa taille).
Pas d’obligation de formaliser le caractère de régularisation d’un permis de construire modificatif. CE 30 juin 2023, n°463230. Mentionné aux tables du recueil Lebon. Le tribunal administratif avait jugé que le permis modificatif sollicité à la suite du premier jugement n'avait pu régulariser le vice constaté par ce même jugement au seul motif que le dossier de demande de permis modificatif ne spécifiait pas qu'il était sollicité à cette fin.
Le tribunal administratif commet une erreur de droit en déduisant de cette seule circonstance que le permis de construire modificatif délivré ne pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice dont était entaché le permis de construire initial, sans rechercher s'il ne résultait pas d'autres éléments du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s'inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l'occasion de son instruction, qu'il avait en l'espèce eu cet objet.
Appréciation du juge pour lever la suspension d’un permis de construire. CE 16 juin 2023, n°470160. Mentionné aux tables du recueil Lebon. Lorsque le juge des référés a ordonné la suspension de l'exécution d'un permis de construire en relevant l'existence d'un ou plusieurs vices propres à créer un doute sérieux quant à sa légalité (L. 521 CJA) et qu'il est ensuite saisi d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin aux effets de cette suspension ( L. 521-4 CJA) car un permis modificatif ou une mesure de régularisation, produit dans le cadre de cette nouvelle instance, régularise le ou les vices précédemment relevés, il appartient à ce juge, pour apprécier s'il est possible de lever la suspension du permis ainsi modifié, de tenir compte :
- d'une part, de la portée du permis modificatif ou de la mesure de régularisation sur les vices précédemment relevés
- d'autre part, des vices allégués ou d'ordre public dont le permis modificatif ou la mesure de régularisation serait entaché et qui seraient de nature à y faire obstacle.
Une même dépendance peut être affectée simultanément aux domaines publics routier et fluvial. CE, 5 juin 2023, n°466548. Aucune règle de la domanialité publique ne s'oppose à une superposition des affectations dès lors que celles-ci sont compatibles entre elles.
Le Conseil d’État indique ainsi qu’une dépendance et ses accessoires relevant du domaine public fluvial peuvent être également affectés au domaine public routier.
En l’espèce, une société avait conclu avec Voies navigables de France (VNF) une convention d’occupation du domaine public fluvial qui autorisait l’installation d’infrastructures de télécommunication dans le sous-sol d’un fossé longeant, à la fois, les berges d’un canal et une route départementale.
Recours de la société bénéficiaire de l’autorisation d’occupation en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi en raison du versement des redevances d’occupation recouvrées, selon elle, sur le fondement d’une convention irrégulière. Elle faisait valoir que la dépendance occupée appartenait au domaine public routier départemental et ne relevait donc pas de la compétence de VNF.
La route départementale reposait sur un talus formant, avec les accotements et les fossés un tout indissociable constitutif d’un ouvrage de défense des berges du canal.
Les juges du fond avaient retenu que la circonstance que le fossé constituait également l'accessoire de la route départementale ne faisait pas, par elle-même, obstacle à son appartenance au domaine public fluvial, dans la mesure où l'affectation supplémentaire de la digue au domaine public routier était compatible avec son affectation initiale.
Le Conseil d'État confirme que la cour administrative d'appel a pu en déduire, sans erreur de droit, que le fossé en cause constituait bel et bien une dépendance du domaine public fluvial et qu'il avait pu, à ce titre, faire légalement l'objet d'une convention d'occupation.
Travaux illégaux sur une construction illégalement édifiée : la démolition de l’ensemble peut être imposée en cas d'indivisibilité. Cass. crim., 16 mai 2023, n° 22-83.634, n° 00498, FS-B . En cas de travaux illégaux sur une construction existante illégale mais non visée dans les poursuites, les juges peuvent ordonner la remise en état de l’ensemble des constructions (art. L. 480-5 C. Urb.) à la condition de caractériser en quoi la construction existante formait avec les seules constructions objets des poursuites un tout indivisible, soit un ensemble d’éléments ne pouvant subsister les uns sans les autres.
En l’espèce, la cour d'appel énonçait que la construction initiale, les deux extensions et l'annexe constituaient un ensemble indissociable, avec un cabanon pour les outils et les véhicules, des chambres à coucher et une cuisine, et que, si la prescription avait ôté à la construction existante son caractère délictueux, l'ensemble était néanmoins soumis à permis de construire. L’arrêt de la cour d’appel est cassé pour manque de justification.
Environnement : modalités d’appréciation de la notion de déchet – cas de biens abandonnés sur un terrain. CE 26 juin 2023, n°457040. Mentionné aux tables du recueil Lebon.
1) Aux fins d'apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d'une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable.
2) a) Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d'usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d'abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés comme des biens dont le détenteur s'est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets alors même qu'ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain.
b) Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n'est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu'il n'avait pas l'intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet.
Activité de dépôt et stockage de déchets inertes : obligation d’enregistrement ICPE même si le propriétaire de la parcelle dispose d’une autorisation de travaux de remblaiement. CE 30 juin 2023, n°452669. Mentionné aux tables du recueil Lebon. Une société réalisant sur une parcelle une activité de dépôt et de stockage de déchets inertes soumise à enregistrement (rubrique 2760 de la nomenclatures des installations classées – art. 511-9 C. Env.) sans avoir enregistré cette activité peut être regardée comme une personne « intéressée » au sens de l’article L. 171-7 du code de l’environnement et doit donc régulariser sa situation ou cesser son activité et remettre le site en état. Elle ne peut se prévaloir, pour être dispensée de cette obligation, de la circonstance que le propriétaire de la parcelle, avec qui elle avait signé un contrat pour le stockage et le traitement des déchets inertes en cause, était titulaire d’une autorisation de procéder à des travaux de remblaiement et bénéficierait à ce titre de l’activité exercée par la société sur sa parcelle.
Contentieux des autorisations d’urbanisme : une QPC sur la sanction prévue en cas de non-enregistrement. Cass. 3ème civ. , 15 juin 2023, n° 23-40.008, n° 552 FS-D.
Les faits : demande d’annulation d’un permis d’aménager et conclusion d’une transaction, les requérants s’engageant à se désister de leur recours en contrepartie de la réalisation de travaux d’aménagement sur une parcelle leur appartenant pour un coût estimé à 175 000 €. Le promoteur a fait valoir que la transaction n’avait pas été enregistrée et a assigné les requérants en remboursement. Les requérants ont assigné leur avocat en intervention forcée qui a à son tour appelé en intervention forcée l’avocat de la société et rédacteur du protocole en recherche de responsabilité.
Est posée, par l’avocat des requérants, la question de la constitutionnalité de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme eu égard aux principes d’égalité devant la loi et de droit au recours juridictionnel.
« 9. En effet, en sanctionnant le défaut d'enregistrement de la transaction par laquelle une personne s'engage à se désister du recours en annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature dans le mois de sa date par la répétition de la contrepartie qui lui avait été consentie, la disposition critiquée, en ce qu'elle répute sans cause la concession à laquelle le titulaire de l'autorisation avait consenti tout en lui laissant définitivement acquis le bénéfice du désistement du requérant, est susceptible de porter une atteinte au principe d'égalité et au droit à un recours juridictionnel effectif. »