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Impact de l'urgence sanitaire causée par l'épidémie de covid-19 sur les autorisations d'urbanisme et le contentieux administratif par Nathalie Baillon, Stéphane Roux et Fanny Morisseau le 30/04/2020

MAJ suite à l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 et l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020

Sur le fondement des dispositions de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a édicté le 25 mars 2020, une première série de vingt-cinq ordonnances de valeur législative. 

A la date du 27 avril 2020, deux ordonnances définissent le régime juridique exceptionnellement applicable aux autorisations d’urbanisme et aux procédures contentieuses pendant la crise sanitaire provoquée par l’épidémie : 

  • l’ordonnance n° 2020-306 définit les règles applicables aux délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures mises en œuvre durant cette même période ,
  • l’ordonnance n° 2020-305 adapte les règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, en précisant le déroulement des instances juridictionnelles.

Deux nouvelles ordonnances portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 datées du 15 avril 2020 (n°2020-427) et du 22 avril 2020 (n° 2020-460) sont par ailleurs venues préciser ou compléter certaines dispositions des ordonnances précitées. 

Elles ont notamment créé au sein de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 plusieurs articles spécifiques au droit de l’urbanisme, de l’aménagement et de la construction.

Le champ d’application de ces ordonnances ainsi que leurs effets sur les délais administratifs et contentieux sont définis en fonction de la « période d’urgence sanitaire », telle que délimitée par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.

Or, ce n’est que le 17 avril 2020 que le ministère de la justice est venu préciser par le biais d’une circulaire la date précise de la fin de l’état d’urgence sanitaire (Circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020).

Après avoir dans un premier temps considéré que l’état d’urgence défini « pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur » de la loi du 23 mars devait s’achever le 24 mai prochain, le ministère considère désormais que l’état d’urgence cessera le 24 mai à 00 h du matin. 

Le Conseil d’Etat se réfère quant à lui à la date d’achèvement du « 23 mai prochain », ce qui situe l’achèvement de l’état d’urgence au 23 mai à 24 h (minuit). (Conseil d’Etat, ordonnance de référé du 10 avril 2020 n°439903). 

Il en résulte que sous la réserve d’une nouvelle clarification du Gouvernement ou du Conseil d’Etat de la date exacte à prendre en compte pour l’application des dispositions normatives qui se réfèrent à la « date de cessation de l’état d’urgence sanitaire », la période d’urgence sanitaire est délimitée à ce jour entre le 12 mars 2020 à 00 h du matin et le 23 mai 2020 à 24 h (minuit).

Les ordonnances définissent principalement deux types d’effet sur les délais, définis par rapport à cette période de référence :

  • le report du point de départ des délais, fixé à la date de cessation de l’état d’urgence : les délais commencent à courir à partir du 24 mai 2020 à 00 h du matin,
  • la suspension des délais, entre le 12 mars et le 23 mai 2020 à minuit.

Les modalités pratiques du calcul des nouvelles dates d’échéance des délais en cas de suspension mériteraient d’être clarifiées par le Gouvernement ou le Conseil d’Etat. 

En effet, les délais concernés sont exprimés en mois, indépendamment du nombre de jours qu’ils comportent. 

D’un point de vue logique, au moins trois modalités différentes pourraient être mises en œuvre, avec des résultats différents du fait des variations du nombre de jours selon les mois :

  • l’application au délai initial de la durée de suspension = point de départ du délai initial + durée du délai + durée de la période de suspension (deux mois et onze jours pour une suspension entre le 12 mars et le 23 mai inclus),
  • la déduction de la durée écoulée avant le 12 mars du délai concerné  = date à laquelle la suspension est achevée (24 mai à 00 h du matin) + délai total d’instruction ou de recours – (nombre de jours entre le point de départ initial du délai et le 12 mars à 00 h du matin)
  • la déduction du délai restant à courir à compter au 12 mars du délai concerné = : date à laquelle la suspension est achevée (24 mai à 00 h du matin) + (nombre de jours entre le 12 mars à 00 h du matin et la date initiale d’achèvement du délai).

Dans l’attente d’un éclaircissement sur ce point, par précaution, la date d’échéance la plus tardive pourrait être prise en compte dans les actes liés aux autorisations d’urbanisme.

Les modifications examinées dans la présente analyse sont spécifiques au droit de l’urbanisme et n’évoqueront que de manière accessoire les décisions et autorisations administratives régies par les autres législations (par exemple les autorisations définies par le droit de la construction) liées à un projet de travaux.

Si la date de fin de l’état d’urgence sanitaire change par décret ou ordonnance, il sera nécessaire de procéder à un nouveau calcul de toutes les échéances estimatives définies ci-après.

1.         Les effets des ordonnances sur l’instruction et la délivrance des demandes d’autorisation d’urbanisme (art. 12 ter de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020)

L’ordonnance du 15 avril 2020 est venue réduire la période de suspension des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, permis de démolir, permis d’aménager, déclaration préalable) initialement définie par l’ordonnance du 25 mars 2020.

La période de suspension des délais est désormais alignée sur la période de l’état d’urgence sanitaire, plus courte d’un mois que la période juridiquement protégée antérieure.

La période de suspension du délai d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme est donc à ce jour comprise entre le 12 mars à 00 h du matin et le 23 mai 2020 à 24 h/minuit (fin de l’état d’urgence).

Notons que le bénéfice de cette suspension spécifique a été étendu par l’ordonnance du 22 avril 2020 évoquée en introduction aux procédures d’autorisations administratives définies par le Code de la construction et de l’habitation au titres des travaux non soumis à permis de construire portant sur les établissements recevant du public (ERP), les immeubles de moyenne et de grande hauteur (IMH et IGH), ainsi qu’aux demandes d’autorisation d'ouverture, de réouverture, d’occupation les concernant.

Les développements qui suivent sont donc transposables à ces autorisations administratives spécifiques.

1.1       Les demandes d’autorisation d’urbanisme en cours d’instruction au 12 mars 2020

Le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme en cours d’instruction à la date du 12 mars 2020 à 00 h du matin, mais aussi des demandes d’avis ou d’accords nécessaires à la délivrance des autorisations est juridiquement suspendujusqu’au 23 mai 2020 minuit.

Le délai suspendu recommencera donc à courir le 24 mai à 00 h du matin pour le délai restant à courir au 12 mars.

Il en résulte que durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire, seuls des avis, accords et autorisations d’urbanisme explicites peuvent être émis.

1.2       Le dépôt de nouvelles demandes d’autorisation d’urbanisme entre le 12 mars et le 23 mai 2020 inclus

L’ordonnance du 25 mars 2020 ne fait pas juridiquement obstacle au dépôt de nouvelles demandes d’autorisation d’urbanisme pendant cette période de suspension des délais.

Cependant, le point de départ du délai d’instruction de tout nouveau dossier est reporté jusqu’au 24 mai à 00 h du matin

Il en résulte que pour le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation d’urbanisme (ou toute instruction en cours), il est nécessaire de prendre attache avec les services de l’urbanisme compétents pour connaître les conditions locales de traitement des demandes.

1.3       Le sort des procédures de consultation du public nécessaires à la délivrance des autorisations d’urbanisme

Les procédures de consultation du public mises en œuvre dans le cadre d’une enquête publique ou de participation du public sont suspendues si elles étaient en cours au 12 mars 2020. Les délais qu’elles comportent recommenceront à courir pour leur durée restante à partir du samedi 30 mai à 00 h du matin (art. 7 ord. n°2020-306, cessation de l’état d’urgence/24 mai à 00 h + 7 jours).

Ce n’est que si l’enquête publique en cours ou projetée présente un intérêt national et un caractère urgent que l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut la maintenir et en adapter les modalités dans les conditions définies par l’art. 12 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars.

Par exception, les procédures de participation du public par voie électronique mises en œuvre dans le cadre des procédures d’évaluation environnementale des projets (art. L.122-1 C. Env.), plans ou programmes (art. L. 122-4 C. Env.) nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 font l’objet d’un régime spécifique (art. 12 quinquies, ord. n°2020-306).

Le cours de ces délais, suspendu depuis le 12 mars, reprend pour la durée restante à partir du 16 avril 2020 (date de publication et d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 avril 2020, art. 38 de la Constitution).

1.4       Les taxes d’urbanisme

Les taxes d’urbanisme dont les autorisations d’urbanisme délivrées avant l’état d’urgence ou au cours de celui-ci sont le fait générateur ne font l’objet d’aucun régime spécifique.

Comme pour tous les autres impôts, droits et taxes :

  • les délais de déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, mais aussi les délais relatifs à la liquidation et au recouvrement sont explicitement exclus du mécanisme prévu par l’article 2 de l’ordonnance (art. 10, II),
  • en revanche, les délais impartis à l’administration pour procéder au recouvrement des taxes sont suspendus jusqu’au 23 août 2020 à minuit (art. 11, fin de l’état d’urgence + 3 mois),
  • Et, les délais relatifs à l’exercice du droit de reprise sont, quant à eux, suspendus jusqu’au 23 juin 2020 à minuit (art. 10, fin de l’état d’urgence + 1 mois).

2.         Les effets des ordonnances sur les délais de recours et de déféré préfectoral applicables aux autorisations d’urbanisme (art. 12 bis, ord. n°2020-306 du 25 mars 2020)

L’ordonnance du 15 avril 2020 a modifié substantiellement les dispositions initiales de l’ordonnance du 25 mars 2020 au titre des délais de recours contentieux et de déféré, en y intégrant un nouvel article 12 bis.

Le Conseil d’Etat a précisé dans la dernière version de sa Fiche pratique sur l'adaptation des procédures devant les juridictions administratives (au 1er avril 2020) que les délais de recours contentieux modifiés par l’ordonnance du 25 mars 2020 restent des « délais francs ».

Le point de départ de ce type de délai correspond au lendemain de la date de déclenchement. Le délai s’achève deux mois après cette date de départ à minuit (avec prorogation au premier jour ouvrable si le délai vient échéance le week-end ou un jour férié). 

L’application des dispositions de l’ordonnance se fait de manière différente selon que :

  • le délai de recours et/ou de déféré préfectoral a commencé à courir avant le 12 mars 2020 et n’était pas échu à cette date (2.1),
  • le délai de recours et/ou de déféré préfectoral est censé commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai inclus (2.2).

Dès lors que les délais de recours et les délais de déféré préfectoral n’ont pas le même point de départ, l’appréciation doit être mise en œuvre distinctement pour chacun de ces délais.

2.1.   Les délais de recours et/ou de déféré ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 et non expirés à cette date

2.1.1    Les délais de recours contentieux et/ou de déféré préfectoral susceptibles d’être dirigés contre une autorisation d’urbanisme qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 sont suspendus à compter de cette date.

Cette hypothèse correspond :

  • aux autorisations dont l’affichage réguliercontinu et constaté par huissier a été mis en œuvre sur le terrain avant le 12 mars 2020 (délai de recours contentieux),
  • aux autorisations transmises au contrôle de légalité avant le 12 mars 2020 (délai de déféré préfectoral)

Ces délais redémarrent à partir du 23 mai 2020 à minuit pour le temps qu’il leur restait à courir au 12 mars.

L’ordonnance précise qu’à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, la durée restante à courir ne pourra pas être inférieure à sept jours. 

Il en résulte que les délais pour lesquels moins de sept jours restaient à courir au 12 mars n’expireront pas avant le mardi 2 juin à minuit (délai de sept jours franc courant à compter du 23 mai à minuit, hors week-end du 3-31 mai et lundi 1er juin férié).

2.1.2    Il importe de souligner qu’un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) formé à l’encontre d’une telle autorisation d’urbanisme avant ou après le 12 mars 2020 (pendant l’état d’urgence sanitaire) et dans les conditions définies par l’article R. 600-1 C. Urb. (obligation de notification), interrompt le délai de recours contentieux qui a commencé à courir (art. L. 411-2 Code des relations entre le public et l’administration).

Concrètement, la survenance d’un recours gracieux dans le délai de recours contentieux « efface » le délai contentieux qui a commencé à courir. 

Une fois le recours administratif enregistré, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour rejeter le recours ou lui donner satisfaction en prononçant le retrait de sa décision. A défaut de décision explicite, une décision implicite de rejet naît de l’expiration de ce nouveau délai de deux mois (art. L. 231-4 Code des relations entre le public et l’administration).

Puis, ce n’est qu’une fois le recours gracieux rejeté explicitement ou implicitement par l’administration, qu’un nouveau délai de recours contentieux de deux mois recommence à courir dans son intégralité.

Il n’existe pas à ce jour de texte faisant obstacle à l’interruption d’un délai de recours contentieux non échu par un recours gracieux formé pendant l’état d’urgence sanitaire

Pour éviter une prolongation trop longue du délai contentieux, le titulaire de l’autorisation critiquée pourra s’efforcer d’obtenir de l’administration une décision explicite de rejet du recours gracieux avant l’achèvement de l’état d’urgence sanitaire.

Dans cette hypothèse, le nouveau délai contentieux sera calculé suivant les modalités définies au 2.2 ci-après (report du départ du délai contentieux à compter de l’achèvement de l’état d’urgence).

En revanche, si avant l’achèvement de l’état d’urgence sanitaire, l’administration ne prononce pas explicitement le rejet du recours administratif, alors aucune décision implicite de rejet ne naîtra de son silence du fait de la suspension de tous les délais.

Dans ce cas :

  • si le recours gracieux a été enregistré avant le 12 mars à 00 h : le délai administratif de deux mois imparti à l’administration pour se prononcer explicitement sur le recours gracieux est suspendu et recommence à courir à partir du 24 mai à 00 h ; ce ne sera qu’après la naissance d’une décision explicite ou implicite de rejet que le nouveau délai de recours contentieux de deux mois commencera à courir,
  • si le recours gracieux est enregistré entre le 12 mars à 00 h et le 23 mai à minuit : le point de départ du délai administratif de deux mois de décision sur ce recours est reporté et commencera à courir à partir du 24 mai à 00 h ; le nouveau délai de recours contentieux de deux mois s’ajoutera à ce délai.

2.2       Les nouveaux délais de recours contentieux et/ou de déféré devant commencer à courir entre le 12 mars 00 h du matin et le 23 mai 2020 à minuit (24h)

Le point de départ des délais de recours contentieux et/ou de déféré préfectoral qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars et le 23 mai 2020 inclus est reporté à partir de l'achèvement de celle-ci.

Les nouveaux délais contentieux et de déféré préfectoral qui auraient dû naître pendant l’état d’urgence sanitaire ne commenceront donc à courir à ce jour qu’à partir du 23 mai 2020 à minuit (24 h), point d’achèvement de l’état d’urgence sanitaire. 

2.2.1    Il en résulte, s’agissant des recours contentieux des tiers, que si l’affichage régulier d’une autorisation d’urbanisme commence sur le terrain pendant la période d’état d’urgence sanitaire et au plus tard le 23 mai à minuit, le délai de deux mois prévu par l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme devrait courir jusqu’au vendredi 24 juillet à minuit (24 heures). 

Il en va de même, comme évoqué ci-dessus (2.1), du nouveau délai de recours contentieux devant courir après la naissance d’une décision explicite de rejet d’un recours gracieux pendant l’état d’urgence sanitaire, ou du délai de déféré préfectoral après transmission de l’autorisation au contrôle de légalité.

Il convient de relever que si les tiers sont informés avant le 23 mai minuit de l’existence du permis de construire (par exemple par un affichage précoce de l’autorisation d’urbanisme), le délai dont ils disposent pour former un recours sera allongé en pratique.

A titre d’illustration, si un permis est affiché le 23 avril 2020, les tiers susceptibles d’être informés de l’affichage du permis à cette date auront un délai effectif de recours contentieux de trois mois (1 mois non comptabilisé dans le délai entre le 23 avril et le 23 mai, puis les deux mois de délai juridique à partir du 24 mai au matin).

2.2.2    Enfin, lorsque l’autorisation d’urbanisme n’a pas été régulièrement affichée sur le terrain, le délai maximal de six mois pour former un recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme à compter de l’achèvement des travaux (art. R. 600-3 C. Urb.) paraît devoir suivre la même règle :

  • si ce délai de six mois était en cours avant le 12 mars, le délai est suspendu à compter de cette date et recommencera à courir le 23 mai minuit,
  • si ce délai commence à courir entre le 12 mars et le 23 mai minuit, il commencera à courir à cette date. 

3.         Le délai de retrait des autorisations d’urbanisme (art. 7, ord. n°2020-306)

L’ordonnance du 15 avril 2020 ne modifie pas le calcul du délai de retrait des autorisations d’urbanisme. 

Une fois l’autorisation d’urbanisme délivrée, la « décision » de retrait de cette autorisation qui sera prise spontanément ou sur demande d’un tiers par l’administration « doit intervenir » avant l’expiration d’un délai administratif de trois mois (art. L. 424-5 C. Urb.).

A ce jour :

  • autorisations d’urbanisme délivrées avant le 12 mars 2020 : le délai de retrait de trois mois est suspendu depuis le 12 mars à 00 h du matin et recommencera à courir pour le délai restant à courir à partir du 23 juin 2020 à minuit,
  • autorisations d’urbanisme délivrées entre le 12 mars et le 23 juin 2020 : le délai de retrait ne commencera à courir qu’à compter du 23 juin 2020 à minuit.

4. Impacts de l’adaptation des délais sur l’exécution des promesses de vente (ord. n°2020-306 et n°2020-427)

A titre liminaire, il convient de préciser que selon le Rapport au Président de la République sur l’ordonnance du 15 avril 2020, les parties peuvent contractuellement écarter l’application des dispositions analysées ci-après ou les adapter « notamment si elles décident de prendre en compte différemment l’impact de la crise sanitaire sur les conditions d’exécution du contrat ».

L’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 est modifié par l’ordonnance du 15 avril (art. 4 également). Le dispositif est expliqué par une circulaire de présentation en date du 17 avril 2020.

Est prévu un mécanisme plus complet de prise en compte de la période d’urgence sanitaire pour la date de production des effets des clauses résolutoires, des clauses pénales et des clauses de déchéance.

S’agissant de l’application de l’article 4 aux clauses figurant dans une promesse de vente, les avis sont partagés. Il appartiendra au juge de trancher, pour autant, en l’état, il semble applicable seulement lorsqu’une formalité est prévue à peine de déchéance d’un droit.

A ce titre, la condition suspensive tenant à l’obtention d’une autorisation d’urbanise purgée de tout recours / retrait ne semble pas constituer une clause prévoyant une déchéance, dans la mesure où elle est prévue au bénéfice de l’acquéreur qui peut toujours y renoncer. En cas de dépassement de la date prévue par la promesse, l’acquéreur n’est pas déchu d’un droit mais peut soit se retirer de la vente, soit négocier un allongement de délai avec le vendeur. 

En revanche, une clause imposant à l’acquéreur de déposer un dossier complet de demande d’autorisation avant une date précise pourrait être analysée comme une clause de déchéance si tel est prévu par la promesse de vente. 

Ladite clause aurait dès lors pour objet de sanctionner une obligation autre que de somme d’argent au sens de l’article 4 des deux ordonnances, et bénéficierait du régime exceptionnel.

Par exemple, pour une promesse de vente signée avant le 12 mars, si la clause devait échoir entre le 12 mars et le 24 juin, sa date d’échéance serait reportée à l’expiration d’une période équivalente à celle comprise entre le 12 mars et la date butoir initiale, qui redémarre au 24 juin.

Et dans ce cas, si la clause doit échoir après le 24 juin, sa date d’échéance serait reportée à l’expiration d’une période équivalente à celle comprise entre le 12 mars et le 23 juin c’est-à-dire 3 mois et 11 jours, qui redémarre à la date d’échéance initialement prévue.

5.         L’adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives 

A titre liminaire, il convient de préciser que les ordonnances n°2020-305 et n°2020-306 comportent toutes deux des dispositions intéressant la matière juridictionnelle. L’article 9 de l’ordonnance n°2020-427 les modifie à la marge (en précisant surtout certaines dispositions qui ne concernent pas l’urbanisme). 

5.1       L’organisation et le fonctionnement des juridictions (ord. n°2020-305)

Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, (fixée en l’état au 23 mai à minuit), la communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen (art. 5).

Les juridictions administratives peuvent également adapter la tenue des audiences en interdisant le public ou en admettant un public limité (art. 6), en tenant des audiences audiovisuelles et si impossibilité technique / matérielle, par tout moyen électronique y compris téléphonique (art. 7), et, en matière de référés (après qu’une date de clôture d’instruction a été fixée, art. 9) et de demande de sursis à exécution d’une décision de première instance (art. 10) la tenue de l’audience n’est pas obligatoire.

Le Rapporteur public peut être dispensé de lire ses conclusions (art. 8).

Enfin, s’agissant des décisions juridictionnelles : les ordonnances de référé rendues sans audience peuvent faire l’objet d’un appel (si la requête n’était pas manifestement irrecevable, art. 9), et les conditions de mise à disposition des décisions juridictionnelles, de leur signature, et de notification sont également adaptées, et, notamment, ces décisions sont valablement notifiées aux avocat (art. 11 à 13). 

5.2       Les délais de procédure et de jugement

5.2.1    Les délais fixés par le juge 

Les mesures de clôture d’instruction sont prorogées de plein droit (sauf report par le juge) en l’état jusqu’au 24 juin prochain (ord. n°2020-305, art. 16). 

Cela semble concerner la date de clôture fixée à heure déterminée, et la date à compter laquelle une clôture immédiate estsusceptible d’intervenir.

Le délai imparti par le juge pour conclure au moyen d’une mise en demeure (art. R. 612-3 CJA), est, selon le Conseil d’Etat (dans un tableau communiqué au barreau de Paris le 31 mars), prorogé de deux mois forfaitaires, soit jusqu’au 24 août minuit (24h) (ord. n°2020-306, art. 3). 

Le juge ne pouvait les modifier ou y mettre fin que si elles avaient été fixées avant le 12 mars, mais l’ordonnance du 15 avril (art. 3) supprime cette disposition, et précise que le juge peut (en tenant compte des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire) exercer ses compétences pour modifier la mesure, y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont il a la charge le justifient, la maintenir ou en prescrire une nouvelle.

5.2.2 Les délais fixés par un texte

Le délai de contestation des décisions juridictionnelles non échu avant le 12 mars 2020 recommence à courir dans son intégralité à compter du 23 juin prochain minuit (24h) mais dans la limite de deux mois. 

Cela concerne :

  • le délai de deux mois pour enregistrer une requête (appel ou pourvoi) contre un jugement ou un arrêt, qui devrait expirer le 24 août prochain à minuit,
  • et le délai d’un mois pour contester une Ordonnance de référé, qui devrait expirer le 24 juillet prochain à minuit.

Certes, l’on peut s’interroger sur la portée des dispositions du nouvel article 12 bis créé par l’ordonnance du 15 avril, qui suspend les délais applicables aux recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme. 

En effet, une lecture souple du texte permettrait d’en faire application non seulement au délai de recours contre l’autorisation elle-même mais également aux délais d’appel et de pourvoi lorsque l’objet du litige porte sur la contestation d’une telle autorisation (ce qui exclurait l’application de l’article 2 de l’ordonnance précitée). 

Cela étant, on pourrait soutenir que l’appel ou le pourvoi contre une décision juridictionnelle prononçant l’annulation d’une autorisation d’urbanisme ne porte pas à proprement parler sur la contestation d’une telle autorisation. 

Par analogie, l’article R. 600-1 C. Urb. prévoit explicitement que l’obligation de notifier les recours s’applique aux recours contentieux ainsi qu’aux demandes tendant à la contestation d’une décision juridictionnelle. Or, tel n’est pas le cas de l’article 12 bis créé par l’ordonnance du 15 avril 2020.

On pourrait d’ailleurs ajouter que la logique de cette ordonnance est de ne pas bloquer le lancement des projets, et que le gouvernement n’a pour autant pas entendu accélérer les délais d’instruction des affaires contentieuses déjà en cours.

Dès lors, les délais d’appel et de pourvoi semblent devoir suivre le régime posé par l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars et non celui posé par l’article 12 bis créé par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020. 

Seuls les recours introduits dans le délai résultant de l’application de l’article 12 bis pourront cela dit éviter tout débat contentieux sur ce point.

Le délai de cristallisation des moyens (qui commence à courir à compter de la notification du mémoire en défense pendant deux mois, art. R. 600-5 C. Urb.),  n’est pas explicitement visé mais selon le Conseil d’Etat, en application de l’article 2 de l’Ordonnance n°2020-306, il recommence à courir pour sa durée initiale de deux mois à compter du 24 juin, soit jusqu’au 24 août 2020 minuit (24h).

Le délai d’un mois pour confirmer le maintien de la requête au fond (art. R. 612-5-2 CJA) lorsque la requête en référé suspension a été rejetée pour défaut de moyen propre à créer un doute sur la légalité de l’acte attaqué est impacté dans les mêmes conditions : pour les Ordonnance de rejet précitées notifiées à compter du 12 février et jusqu’au 23 mai 2020 minuit (24h), l’acte de maintien de la requête au fond pourra donc être enregistré auprès du greffe jusqu’au 24 juillet 2020 minuit (la jurisprudence ne semble pas encore s’être prononcée mais s’agissant d’un délai de procédure, il pourrait être considéré comme un délai franc).

Ce principe s’applique en outre au délai d’un mois imparti pour l’enregistrement des transactions (article L. 600-8 C. Urb.) portant sur le désistement d’une partie dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, et signées par les parties à compter 12 février et jusqu’au 23 mai minuit (24h), qui pourront ainsi être enregistrées jusqu’au 23 juillet minuit (24h). 

5.2.3 Le report du délai imparti au juge pour statuer

Enfin, s’agissant du délai imparti au juge administratif pour statuer (comme par exemple en 10 mois sur la requête dirigée contre un permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d'aménager un lotissement, art. R. 600-6 C. Urb.), le point de départ dudit délai est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire (soit, en l’état, au 1er juillet prochain) (ord. n°2020-305, art. 17). 

Paris, le 30 avril 2020