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Arbitrage et procédures collectives : chronique de jurisprudence française à la Revue de l'arbitrage par Jérôme Barbet (Revue de l'arbitrage 2023, n°3) le 31/10/2023

Arbitrage et procédures collectives : chronique de jurisprudence française à la Revue de l'arbitrage par Jérôme Barbet (Revue de l'arbitrage 2023, n°3)

La Revue de l'arbitrage publie les observations de Jérôme Barbet au sujet de plusieurs arrêts relatifs à l'articulation entre l'arbitrage et les procédures collectives (Revue de l'arbitrage 2023, n°3).

1.- Cour de cassation (Ch. com.), 8 février 2023, Sté Mirato SpA c/ Sté Sharmel France (pourvoi n°21-15.771). La Cour de cassation a jugé, dans cette affaire, que : 

"Le principe de l’arrêt des poursuites individuelles, qui relève de l’ordre public international, interdit, après l’ouverture de la procédure collective du débiteur, la saisine d’un tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture et impose à ce créancier de déclarer sa créance et de se soumettre, au préalable, à la procédure de vérification des créances. Après avoir constaté que la demande reconventionnelle en paiement de sa créance avait été formulée par le créancier devant l’arbitre après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société débitrice, et qu’aux termes de sa sentence, l’arbitre avait condamné la société débitrice au paiement de diverses sommes au profit du créancier, l’arrêt en déduit à bon droit que l’ordonnance accordant l’exequatur d’une telle sentence, au mépris du principe d’égalité des créanciers et d’arrêt des poursuites individuelles, ne pouvait être revêtue de l’exequatur sans méconnaître l’ordre public international."

Comment faire valoir ses droits à l’encontre d’une société en procédure collective, lorsque la créance dont on est titulaire est née antérieurement au jugement d’ouverture et découle d’un contrat contenant une clause compromissoire ? L’arbitre peut-il être saisi ? Ne faut-il pas attendre que le juge-commissaire ait tout d’abord vérifié la régularité de la déclaration de créance ? La sentence ayant « condamné » un débiteur en procédure collective à payer une somme d’argent peut-elle néanmoins être « sauvée » et exequaturée en France uniquement pour sa reconnaissance et son opposabilité, à l’effet de permettre au créancier de faire inscrire sa créance sur l’état des créances admises au passif ? Telles étaient les questions dont la Cour de cassation était saisie dans la présente affaire.

En droit français, les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective ne peuvent être payées qu’après avoir été admises au passif. Mais pour qu’une créance soit admise au passif, encore faut-il que la procédure de vérification des créances prévue par la loi ait été respectée.

Une fois la créance déclarée, c’est en principe au juge-commissaire de décider de son admission ou de son rejet, sauf à ce qu’il constate soit (i) qu’une instance était déjà en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective, auquel cas il n’a plus du tout compétence pour statuer sur l’admission de la créance soit (ii) que la contestation soulevée par le débiteur au sujet de la créance déclarée « ne relève pas de sa compétence » ou fait l’objet d’une « contestation sérieuse », auquel cas il doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance jusqu’à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la contestation ; dans ces deux dernières hypothèses, le juge-commissaire est tenu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente au fond en invitant, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir ladite juridiction dans un délai d’un mois, à peine de forclusion. Dans la mesure où, selon le règlement de la CCI, la procédure d’arbitrage est considérée comme introduite à la date de réception de la demande d’arbitrage, le secrétariat de la Cour d’arbitrage de la CCI devra avoir reçu la demande d’arbitrage dans ce délai d’un mois, à peine de forclusion (v. infra l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 octobre 2022, aff. Sté Vergnet, SELARL Villa Florek ès qualité mandataire judiciaire Sté Vergnet c/ Sté Hydro Construction & Eng Co. Ltd.). Une fois l’arbitrage terminé et la sentence exequaturée, le juge-commissaire admettra ou non la créance au passif, en fonction de la décision rendue par l’arbitre (le juge-commissaire a compétence exclusive sur ce point dit la Cour de cassation).

En l’espèce, l’arbitrage avait été initié avant la mise en redressement judiciaire de la société française. Ne pouvait-on pas considérer, dès lors, qu’il existait une « instance en cours » au sens de l’article L. 624-2 du code de commerce, excluant la compétence du juge-commissaire pour admettre la créance au passif ? La question n’était pas dans le débat mais la Cour de cassation prend tout de même le soin de relever que la demande reconventionnelle en paiement de factures avait été formée après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice. Dès lors, s’il existait bien, au jour du jugement de redressement judiciaire, une procédure d’arbitrage, elle avait été initiée par la société débitrice elle-même et il n’existait pas, à cette date, une « instance en cours » relativement aux factures impayées au sens de l’article L. 624-2 du code de commerce. L’arrêt ne surprend pas sur ce point : la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de dire que l’ « instance en cours » qui enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l’admission ou du rejet de la créance s’entend d’une instance engagée à l’encontre du débiteur et non d’une instance introduite par ce dernier. En relevant que la demande reconventionnelle n’avait été formée qu’après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, la Cour de cassation semble toutefois prête à accepter que la formulation d’une telle demande par le créancier antérieur avant l’ouverture de la procédure collective puisse susciter la qualification d « instance en cours », quand bien même elle serait formée dans le cadre d’une procédure qui aurait été introduite par le débiteur lui-même.

Si la demande reconventionnelle avait été formée au tout début de l’arbitrage, avant la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, la solution eût donc sans doute été différente : dans un tel cas, l’office du juge-commissaire aurait été limité au constat d’une instance en cours.

A défaut d’instance en cours au jour du jugement d’ouverture, le créancier antérieur a l’obligation de se soumettre, « au préalable », à la procédure de vérification des créances : tel est le point principal de l’arrêt. 

Dans le même sens, la Cour de cassation avait déjà jugé que « le principe d’ordre public de l’arrêt des poursuites individuelles interdit, après l’ouverture de la procédure collective, la saisine du tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, sans qu’il se soit soumis au préalable à la procédure de vérification des créances ». Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris avait fait injonction à trois sociétés mises en redressement judiciaire de désigner un arbitre, alors que le demandeur avait seulement « demandé la mise en œuvre de l'arbitrage aux fins de fixation de sa créance » ; la Cour de cassation avait alors cassé cet arrêt. 

La Cour de cassation avait encore jugé que « lorsque l’instance arbitrale n’est pas déjà en cours au jour du jugement d’ouverture, le juge-commissaire saisi d’une contestation et devant lequel est invoquée une clause compromissoire, doit, après avoir le cas échéant vérifié la régularité de la déclaration de créance, se déclarer incompétent, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle ou inapplicable ».

En ce qui concerne les créances antérieures, la règle est donc qu’il faut d’abord déclarer sa créance au passif puis attendre que le juge-commissaire - après avoir vérifié la régularité de la déclaration de créance - ait invité le créancier (en cas de contestation de la créance) à saisir le tribunal arbitral sous un mois avant que de pouvoir le faire (sous réserve que la convention d’arbitrage ne soit pas manifestement nulle ou inapplicable). A défaut, le tribunal arbitral ne pourra pas être valablement saisi. Une fois l’arbitrage terminé et la sentence exequaturée, le juge-commissaire admettra ou rejettera la créance, en fonction de la décision de l’arbitre.

Deuxième raison pour laquelle le pourvoi est rejeté : en tout état de cause, en aucun cas, l’arbitre ne peut « condamner » une société en redressement judiciaire à payer une créance née antérieurement au jugement d’ouverture. Qu’il eût été saisi de la demande reconventionnelle en paiement de factures de la société italienne avant ou après la mise en redressement judiciaire de la société française, l’arbitre ne pouvait de toute façon pas, en l’espèce, « condamner » cette dernière à payer une quelconque créance antérieure. 

La Cour de cassation rappelle qu’il en va ici du « principe d’égalité des créanciers et d’arrêt des poursuites individuelles », qui est d’ordre public international. La solution ne fait pas de doute : si la loi interdit aux créanciers antérieurs de se faire payer en ayant recours à l’exécution forcée d’une décision de justice, c’est non seulement afin de donner une bouffée d’oxygène au débiteur (et permettre son éventuel redressement) mais également afin d’éviter la course au jugement des créanciers antérieurs et préserver l’égalité entre eux.

La Cour de cassation avait déjà rappelé, en 2020, que l’exequatur d’une sentence arbitrale revêtue de l’autorité de chose jugée ne saurait, sans méconnaître le principe de l’arrêt des poursuites individuelles, rendre exécutoire une condamnation du débiteur au paiement de sommes d’argent. Mais dans cette affaire, la Cour de cassation avait estimé que l’exequatur de la sentence pouvait être accordé, à la demande du créancier, « dans le but non de conférer à la sentence arbitrale la force exécutoire d’une décision de condamnation du débiteur, mais exclusivement de permettre[au créancier] de faire reconnaître son droit de créance ». 

Aussi, la demanderesse au pourvoi arguait-elle, en l’espèce, que la circonstance que l’arbitre ait « condamné » la société française mise en redressement judiciaire à payer une certaine somme d’argent « n’empêchait nullement d’accorder l’exequatur à cette décision uniquement pour sa reconnaissance et son opposabilité en France et à l’effet de permettre à la société [italienne] de faire inscrire sa créance sur l’état des créances admises au passif ».

Mais il existait une différence de taille entre la présente affaire et celle jugée en 2020 : alors que dans l’affaire jugée en 2020, l’arbitre avait condamné la société débitrice au paiement de sommes d’argent avant que celle-ci fût mise en procédure collective, dans la présente affaire, l’arbitre avait condamné la société débitrice au paiement d’une créance antérieure après l’ouverture de la procédure collective. Dans l’affaire jugée en 2020, il ne pouvait être reproché à l’arbitre d’avoir « condamné » la débitrice à payer une créance antérieure puisqu’à la date de la sentence, elle ne faisait pas encore l’objet d’une procédure collective. L’arbitre n’avait pas violé l’ordre public international et la sentence avait ainsi pu être intégrée dans l’ordre juridique français, à l’effet d’inscrire la créance au passif, quand bien même la sentence comportait une condamnation au paiement d’une somme d’argent.

Dans la présente affaire, la sentence ne pouvait à l’inverse pas être sauvée puisque l’arbitre avait, « au mépris » dit la Cour de cassation « du principe d’égalité des créanciers et d’arrêt des poursuites individuelles » osé « condamner » une société d’ores et déjà en redressement judiciaire à payer une créance antérieure, ce qui la rendait contraire à l’ordre public international. L’annulation de la sentence était inévitable (v. le commentaire complet à la Revue de l'arbitrage).

2. Cour de cassation (Ch. com.), 5 octobre 2022, Sté Vergnet, SELARL Villa Florek ès qualité mandataire judiciaire Sté Vergnet c/ Sté Hydro Construction & Eng Co. Ltd. (pourvoi n°20-22.409).

Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent pour statuer sur la contestation dont la créance fait l’objet, il invite la partie qu’il désigne à saisir la juridiction compétente. Celle-ci doit alors le faire sous un mois, à peine de forclusion (art. R. 624-5 du code de commerce). Reste à savoir quel acte peut permettre de considérer que le tribunal arbitral est « saisi » au sens de l’article R. 624-5 du code de commerce : la date de réception de la demande d’arbitrage ou celle de la constitution du tribunal arbitral ?

Aux termes de l’article 1456 CPC, le tribunal arbitral est « saisi du litige » à la date à laquelle il est « constitué » c’est-à-dire « lorsque le ou les arbitres ont accepté la mission qui leur est confiée ». Aussi considère-t-on que, par application combinée des articles 1456 et 1463 CPC (aux termes duquel, sauf convention contraire, « la durée de la mission du tribunal arbitral est limitée à six mois à compter de sa saisine ») le délai d’arbitrage commence à courir à compter de la constitution du tribunal arbitral. De même, c’est à compter de la constitution du tribunal arbitral, que le juge étatique perd sa compétence résiduelle pour ordonner des mesures provisoires (art. 1449 CPC). Le droit français de l’arbitrage lie ainsi le début de l’instance arbitrale à la constitution du tribunal arbitral, et non au dépôt ou à la réception de la demande d’arbitrage.

Mais la règle fixée par l’article 1456 CPC n’est, conformément à l’article 1461 CPC, que supplétive. Le règlement d’arbitrage peut donc y déroger. Or, tel est précisément le cas de l’article 4-2 du règlement d’arbitrage de la CCI, aux termes duquel « La date de réception de la Demande [d’arbitrage] par le Secrétariat est considérée, à toutes fins, être celle d’introduction de l’arbitrage ».

C’est donc sur le fondement du règlement d’arbitrage de la CCI que la Cour de cassation a pu décider de rejeter le pourvoi : après avoir constaté « qu’il résulte des articles 4-1 et 4-2 du règlement d’arbitrage de la Cour internationale d’arbitrage que lorsqu’une partie désire avoir recours à l’arbitrage selon ce règlement, elle doit soumettre sa demande d’arbitrage au secrétariat, dont la date de réception est considérée être celle d’introduction de l’arbitrage », elle a énoncé que la Cour d’appel avait pu retenir à bon droit que « c'est la Cour internationale d'arbitrage elle-même qui devait être saisie dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce » et que la société créancière « n'ayant pas le pouvoir de désigner directement l'arbitre » la Cour d'appel en avait exactement déduit que cette société « qui avait sollicité du secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage de reprendre le cours de la procédure d'arbitrage dans le délai légal, n'était pas forclose » (v. la suite du commentaire à la Revue de l'arbitrage).

3. Cour d'appel d'Aix-en-Provence15 juin 2023, SELARL Benoît & Associés ès qual. liquidateur judiciaire Entreprise [T] c/ Monsieur F., SAS Bouygues Bâtiment Centre Ouest.

La clause compromissoire survit-elle à la procédure collective de l’une ou l’autre des parties au contrat principal ? Est-elle opposable au liquidateur judiciaire lorsqu’il a mis fin au contrat principal ? Telle était la question qui se posait à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans la présente affaire.

En l'espèce, le liquidateur judiciaire invoquait, à l’appui de son recours en annulation, un arrêt du 1er avril 2015, aux termes duquel la première Chambre civile de la Cour de cassation avait jugé que dans la mesure où « le liquidateur avait usé de la faculté de poursuivre l'exécution des contrats avec tous les droits et obligations qui s'y rattachaient », cela « impliquait l'observation de la clause compromissoire qui y était stipulée ». La Cour d’appel d’Aix-en-Provence lui a alors donné raison. Cette solution apparaît cependant critiquable pour plusieurs raisons (v. la suite du commentaire à la Revue de l'arbitrage).

4. Cour de cassation  (Ch. com.), 23 novembre 2022, Sté Vacama c/ Sté Pastificio Service SL, Sté La Tagliatella (pourvoi n°W 21-10.614).

En cas de procédure collective, l’administrateur ou le liquidateur judiciaire disposent, conformément à la loi, de la faculté de ne pas poursuivre les contrats en cours (art. L. 622-13 et L. 641-11-1 du code de commerce). La convention d’arbitrage constitue-t-elle un « contrat en cours » au sens de l’article L. 622-13 du code de commerce, que l’administrateur judiciaire pourrait résilier à sa guise ? Telle était la question dont la Cour de cassation était saisie dans la présente affaire.

La Cour de cassation juge dans la présente affaire que "Il résulte de l'article 1447 du code de procédure civile que la convention d'arbitrage, qui est indépendante du contrat auquel elle se rapporte, a pour objet le droit d'action attaché aux obligations découlant du contrat et non la création, la modification, la transmission ou l'extinction de ces obligations. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur."

Conformément au principe d’autonomie, la clause compromissoire est considérée comme une convention indépendante du contrat auquel elle se rapporte. Il en résulte que la clause compromissoire n’est pas affectée par la nullité, la résolution, la caducité, la résiliation ni plus généralement l’inefficacité du contrat principal (art. 1447 CPC). 

Le principe d’autonomie de la clause compromissoire a été posé par la jurisprudence afin de préserver son efficacité en cas de disparition du contrat principal. Il serait donc quelque peu curieux que ce même principe puisse servir, au contraire, à la neutraliser. Tel était pourtant ce que l’administrateur judiciaire cherchait à argumenter dans la présente affaire.

Mais comme le rappelle la Cour de cassation, la convention d’arbitrage a un objet très particulier : elle porte sur le droit d’action. Elle n’a pas pour objet « la création, la modification, la transmission ou l'extinction » des obligations du contrat auquel elle se rapporte. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur.

Autrement dit, non seulement la clause compromissoire est autonome par rapport au contrat principal, elle dispose d’un régime autonome. En matière d’arbitrage international, les juges ont d’ailleurs posé à titre de règle matérielle, un principe de validité de la convention d’arbitrage, laquelle s’apprécie seulement « d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ». Dans ce contexte, une « loi étatique » telle que l’article L. 622-13 du code de commerce relatif à la poursuite des contrats en cours en cas de procédure collective, ne saurait avoir vocation à s’appliquer à la convention d’arbitrage.

Dès lors que, selon la Cour de cassation, l’administrateur judiciaire ne saurait opter pour la résiliation de la convention d’arbitrage déconnectée du contrat principal, on voit mal comment la clause compromissoire pourrait être considérée comme inefficace dans le cas où l’administrateur judiciaire opterait pour la résiliation du contrat tout entier. A suivre le raisonnement de la Cour de cassation, l’objet particulier de la convention d’arbitrage, qui porte sur le droit d’action, devrait y faire obstacle dans les deux cas.

Depuis l’arrêt ci-dessus rapporté, il est donc devenu encore plus douteux de penser qu’en jugeant que la clause compromissoire était opposable à l’administrateur ou au liquidateur judiciaire ayant usé de la faculté de poursuivre l'exécution des contrats en cours, la Cour de cassation aurait laissé entendre qu’a contrario, si l’administrateur ou le liquidateur avait mis fin au contrat, la solution eût été différente. En réalité, la clause compromissoire doit continuer à trouver application même lorsque l’administrateur ou le liquidateur judiciaire a mis fin au contrat principal (v. supra, nos observations sous l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15 juin 2023, aff. SELARL Benoît & Associés ès qual. Liquidateur) (v. le commentaire complet à la Revue de l'arbitrage).

5. Cour d'appel de Toulouse (Ch. 2), 7 février 2023, Sté Encore Medical LP c/ Me X, ès qualité liquidateur judiciaire SAS Akthea, M. Y ès qualité de mandataire ad hoc SAS Akthea. 

La Cour d'appel a jugé dans cette affaire que :

"En application de l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.

La procédure arbitrale ayant été engagée avant le jugement d’ouverture constituait une instance en cours. 

Le créancier ne peut solliciter l’admission de sa créance en se fondant sur des sentences arbitrales qui ne sont pas revêtues de l’exequatur.

Le juge-commissaire, et partant la cour, statuant avec les pouvoirs du juge-commissaire, n’est pas compétente pour apprécier la régularité des sentences arbitrales au regard de l’ordre juridique interne. Il appartenait au créancier de déclencher la procédure d’exequatur laquelle, en raison de la règle de l’arrêt des poursuites individuelles, ne pouvait avoir pour but, au regard de la procédure collective de la société débitrice, que la reconnaissance et l’opposabilité en France des sentences arbitrales."

(v. le commentaire à la Revue de l'arbitrage).

6. Cour d'appel d'Amiens (Ch. économique), 6 avril 2023, SARL Hyatt of France c/ SAS Hospitality Management Chantilly, SCP Alpha ès qual. 

La Cour d'appel a jugé dans cette affaire que :

"Dès lors que le créancier n'a pas contesté in limine litis la compétence du juge-commissaire à qui il a reconnu à titre principal compétence pour admettre sa créance indemnitaire non contestable sérieusement selon lui et qu’il s’est contenté, à titre subsidiaire, pour le cas où le juge-commissaire considérerait que sa créance est sérieusement contestable, de lui demander d'en tirer les conséquences dans les termes de l'article R.624-5 du code de commerce et de renvoyer la connaissance de l’affaire au tribunal arbitral seul compétent, l’exception d’incompétence est irrecevable.

En application de l'article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, et à sa suite la cour d'appel saisie d'un recours contre son ordonnance, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Pour être sérieuse, la contestation doit être de nature à avoir une influence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée. Les moyens soulevés par le liquidateur judiciaire étant de nature à influencer l'existence et/ou le montant de la créance déclarée et leur appréciation ne relevant pas de la compétence du juge-commissaire, il y a lieu de déclarer que la créance est sérieusement contestable.

Faisant application de l'article R.624-5 du code de commerce, les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir et invitées à saisir la juridiction compétente sans que la cour n'ait à la déterminer."

(v. le commentaire à la Revue de l'arbitrage).

7. Cour d'appel de Paris  (Pôle 5 – Ch. 16), 7 février 2023, SAS HSO 31, SAS HBC 31 c/ SARL RN Patri.One, SELARL GM ès qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan des Stés HBC 31 et HSO 31.

La Cour d'appel a jugé dans cette affaire que :

"Selon l’article 1504 du code de procédure civile, est international l’arbitrage qui met en cause les intérêts du commerce international. Il résulte de cette définition exclusivement économique que l’arbitrage revêt un caractère international lorsque le différend soumis à l’arbitre porte sur une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul État, peu important la qualité ou la nationalité des parties, la loi applicable au fond du litige ou à la procédure, ainsi que le siège du tribunal arbitral. Cette qualification ne dépend pas de la volonté des parties. Le transfert de fonds à travers les frontières emporte la qualification d’arbitrage international.

En vertu de l’article 1520-1° du code de procédure civile, le recours en annulation contre une sentence arbitrale internationale est ouvert lorsque le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent. Il appartient au juge de l’annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage.

 Pour se déclarer compétent, le tribunal arbitral a rappelé la nécessaire articulation du droit de l’arbitrage et du droit des entreprises en difficulté, en soulignant que le livre VI du code de commerce sur « les difficultés des entreprises » est d’ordre public et que la procédure de sauvegarde relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce lorsque le débiteur exerce une activité commerciale. Il a, ensuite, estimé sans porter atteinte à une règle d’ordre public qu’il était « compétent pour connaître d’actions ayant leur source dans le contrat conclu par les parties et sur lesquelles la survenance de la procédure collective n’a pas d’influence. » En outre, le tribunal s’est à juste titre déclaré « compétent pour connaître de toutes actions qui ne tendent pas au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent dans la mesure où il respecte les principes de la procédure collective et notamment, ceux du droit d’option réservée à l’administrateur judiciaire sur la continuation des contrats en cours et de l’admission des créances déclarées de la compétence exclusive du juge-commissaire. » Par ailleurs, dès lors que le tribunal a réservé « les pouvoirs du juge-commissaire », les sociétés recourantes échouent à démontrer que le tribunal s’est déclaré à tort compétent en violant les prérogatives du juge-commissaire.

Les demandes subsidiaires relatives à la validité de la clause d’exigibilité anticipée du prix et à la clause pénale, en ce que leur mise en œuvre affecte la détermination du prix, sont exclues du champ d’application de la clause compromissoire, qui prévoit que « Tout différend qui pourrait survenir à l’occasion de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat (à l’exception de détermination du prix de cession), sera soumis à l’arbitrage ». Le tribunal arbitral était incompétent pour statuer sur ces demandes."

(v. le commentaire à la Revue de l'arbitrage).